Depuis Françoise Dolto, tous les parents savent que parler « vrai » au bébé contribue à son bon développement psycho affectif. Pourtant, face à un tout-petit, il n’est pas toujours facile de trouver les mots justes.

Des phrases courtes, au présent

Quand on parle à un nourrisson, la voix monte dans les aigus, comme dans les rapports amoureux. Pour autant, ce n’est pas forcément “gagatiser”. Le temps où l’on désignait le chien par “ouah-ouah” est révolu ! Il faut faire preuve de légèreté. Répéter ses sons, jouer avec son souffle, c’est aussi une façon pour lui d’apprendre ! » Parler vrai, c’est aussi parler simple. La neurologue Régine Zekri-Hurstel (L’Alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2006) préconise l’usage du temps présent, car « un bébé ne possède pas la notion du passé ou du futur. Une première idée du temps ne se met pas en place avant 2 ans ». De même, elle conseille l’utilisation de phrases courtes à la forme affirmative. Mieux vaut dire à son bébé « Regarde le petit chien » plutôt que « Tu as vu le petit chien noir et blanc qui cherche son jouet ? »

Tout raconter… ou presque

Parler vrai implique que l’on dise aussi ce qui est parfois difficile à mettre en mots. Un nourrisson est traversé par les angoisses que ses parents éprouvent. Il s’en accuse parfois. Il est donc important de se tourner vers lui et de nommer les choses. si, dans l’absolu, un enfant peut tout entendre, il doit surtout avoir connaissance de ce qui le concerne ». Un deuil – Françoise Dolto préconisait d’emmener un bébé, même nouveau-né, à l’enterrement d’un proche, afin qu’il soit « associé à la famille comme un humain » –, un déménagement ou une séparation des parents doivent faire l’objet d’une explication. En revanche, la modération est de mise pour ce qui est des confidences d’adultes. Cela s’appelle « respecter son espace intime », indique la psychologue et psychanalyste. Pas question donc de transformer le nourrisson en confident, auprès duquel le père et la mère viendraient s’épancher à tout propos.

Faire une place au père

Des petits mots comme : “Salut bonhomme, c’est ton papa, on a hâte de te voir.” » Aux femmes, toutefois, de veiller à ménager un espace de parole à leur conjoint. Lors de la présentation aux proches notamment, étape essentielle aux yeux de Françoise Dolto. La place du père s’exprime également dans les mots de tous les jours, parfois de façon implicite. « Quand une mère dit “mon bébé”, il faut que cela induise “mon enfant que j’ai fait avec cet homme que j’aime”, et non pas “mon” bébé comme une petite fille dirait “ma” poupée », développe Claude Halmos. Le bébé comme sujet issu de l’amour, et non pas objet de propriété.

Quand la parole se bloque

L’essentiel n’est donc pas tant de parler que de communiquer. « Ce qui ne passe pas par les signaux de la parole peut passer par d’autres canaux », rassure Boris Cyrulnik. Un regard ou une étreinte valent parfois bien des mots. D’ailleurs, « les mères qui assomment leurs petits de mots, cela existe aussi », constate Sophie Marinopoulos. Il est donc essentiel de joindre le geste à la parole. « Dire à un bébé : “On va sortir”, si ce n’est pas pour l’habiller dans ce but, cela ne sert à rien », explique Régine Zekri-Hurstel. Il n’est pas nécessaire non plus d’étouffer un enfant sous les « je t’aime ». « L’amour, ça irradie, insiste Claude Halmos, ça n’a pas besoin d’être formulé pour qu’un bébé le ressente. » Mais, à défaut de trouver nos propres mots, nous pouvons aussi emprunter ceux des autres. Comptines, chansons et petits livres à partager sont donc plus que bienvenus, car le bébé est littéralement « enveloppé » par nos modulations vocales. « 70 % du cerveau d’un nourrisson est dévolu au rythme », signale Régine Zekri-Hurstel.