L'apprentissage de la propreté n'est pas chose simple. Comment faire pour que votre enfant aille aux toilettes dès que le besoin s'en fait sentir ? A quel âge peut-on commencer à lui expliquer, sans le "bloquer" ? Faut-il s'inquiéter des pipis nocturnes à répétitions ? Petit guide indispensable.

 

L'âge de la propreté

S'il y a une chose dont on aimerait se passer, c'est bien le change ! De nombreux parents attendent le moment où leur enfant sera enfin propre. Mais un peu de patience : cela prend du temps pour maîtriser ses sphincters. Quelques notions indispensables pour comprendre la physiologie des tout-petits.

La maîtrise des sphincters

La vessie et le rectum sont fermés par deux sortes de sphincters. Les muscles lisses se contractent et se relâchent par voie réflexe sans intervention de la volonté. Les muscles striés sont commandés par le système nerveux central, leur contraction et leur relâchement sont volontaires. L'enfant met un certain temps pour acquérir la commande de ce second système.

 

Contrôler ses mictions et ses défécations constitue l'apprentissage le plus personnel de l'enfant. L'éducation du sphincter anal est plus facile que celle du sphincter vésical parce que le nombre de selles par jour est inférieur au nombre de mictions. La propreté diurne apparaît avant la propreté nocturne.

Physiologie

Le processus physiologique de l'exonération intestinale est simple. Tout s'enchaîne : les mouvements intestinaux se déclenchent automatiquement et ne sont pas sous la dépendance de la volonté. A des intervalles de plusieurs heures se produit un mouvement des masses intestinales.

Tout le contenu du colon à partir de sa portion transverse se scinde en plusieurs longues masses oblongues qui descendent dans le rectum. La pression ainsi exercée dans le rectum déclenche la contraction des muscles abdominaux et le relâchement du sphincter anal. C'est l'envie d'aller à la selle. La volonté n'agit que sur le sphincter comme on l'a vu plus haut. Le mouvement intestinal spontané représente la force initiale du rythme d'évacuation. Si la mère impose un horaire de défécation qui lui convient, sans tenir compte de l'horloge interne du bébé, le stimulus physiologique va disparaître et ce dérèglement biologique va provoquer une constipation.

Propre à quel âge ?

Il semble inutile de mettre systématiquement votre enfant sur le pot dès son premier anniversaire. Bien que vous ayez hâte de jeter les couches au placard, sachez que l'apprentissage débute en général vers deux ans. Armez-vous de patience et de compréhension pour l'aider à devenir propre.

 

Définir la date normale d'acquisition de la propreté n'est pas facile. Le plus simple est de se référer aux sociétés où l'adulte n'intervient pas du tout dans l'éducation sphinctérienne. Dans les peuplades les plus reculées, les enfants sont propres spontanément vers 3 ans. Contrairement aux enfants occidentaux, ils n'ont pas tendance à jouer avec leurs fèces et la constipation est une affection inconnue. Dans nos sociétés, attendre 3 ans semble trop long et on cherche à accélérer cet apprentissage. Des chercheurs ont fait l'historique des conseils médicaux, depuis le Dr. Pouliot qui recommandait aux parents de 1921 de débuter le "dressage" dès la naissance jusqu'aux pédiatres contemporains français ou américains qui s'accordent sur un âge moyen de 15 à 20 mois.

Entre 28 et 36 mois

Pour Françoise Dolto, l'apprentissage doit intervenir aux environs de 2 ans, "à partir du moment où un enfant est capable de monter et descendre une échelle tout seul, une échelle de ménage, jusqu'à la dernière marche à laquelle il s'accroche avec ses mains, que son système nerveux est constitué et qu'il peut donc être propre s'il est attentif".

Pour Benjamin Spock, la maturation suffisante à la maîtrise sphinctérienne est contemporaine de certaines acquisitions psychomotrices parallèles qu'il faut guetter avant d'entreprendre une quelconque éducation. L'enfant mûr pour devenir "propre" est celui qui offre à son père rentrant le soir du travail, ou au visiteur qu'il trouve sympathique, ses jouets, quitte à les reprendre ensuite. C'est l'enfant qui aime jouer à placer des objets dans un récipient et qui imite, de plus en plus, dans sa conduite et dans ses jeux, l'activité des adultes. C'est aussi celui qui est fier de ses acquisitions et aime être félicité. Brazelton conseille d'éviter toute mesure coercitive : la plupart des enfants sont propres le jour à 28 mois et la nuit à 36 mois. Il propose d'attendre que l'enfant ait envie d'aller sur le pot. Les parents ont seulement à lui en fournir un, à le laisser jouer avec, à lui montrer comment on s'en sert lorsqu'on est grand, un point c'est tout. Aucune réaction de colère, aucune fessée, aucune moquerie, aucun sarcasme, aucune humiliation ne doivent lui être infligées en cas d'accidents. Par contre, l'enfant doit être félicité d'agir comme une grande personne et non plus comme un bébé.

Pour les psychanalystes, à partir d'un an, l'enfant découvre progressivement ce que Freud le "plaisir anal". Il explore ses sensations sphinctériennes : il ressent la réplétion de ses réservoirs et se rend compte qu'il peut se retenir et expulser à volonté. L'expulsion procure, en même temps qu'un soulagement, une excitation de la muqueuse dont l'enfant tire une jouissance. Il joue (jouit) avec ses sphincters. Il est fier de ses excréments : ils lui appartiennent. Aussi regrette-t-il de devoir s'en séparer. Voir disparaître cette partie de lui même dans les toilettes lors du rugissement effrayant de la chasse d'eau serait parfois un traumatisme psychique important.

Des relations affectives

L'enfant s'aperçoit également que ce n'est pas agréable d'avoir une couche souillée et il éprouve alors un sentiment d'ambivalence très net. Bientôt, il va pouvoir apprendre la propreté. Si un conflit affectif latent existe entre la mère et l'enfant ou si un "dressage" intempestif entraîne une réaction de révolte, le refus de propreté sera pour l'enfant un excellent moyen de manifester son désaccord. L'aspect ludique voire érotisé de la relation entre la mère et l'enfant a été complètement mis à l'écart des manuels de puériculture : "l'observation montre que les séances de change ou de pot peuvent être l'occasion d'échanges très intenses en affects entre les protagonistes. Ce n'est sans doute pas un hasard si, comme pour l'allaitement, c'est précisément l'aspect plaisir qui est gommé, ignoré par le spécialiste".

Les psychanalystes affirment qu'un enfant "dressé" trop tôt à être propre a toutes les chances d'être perturbé plus tard : constipation, troubles du comportement (colère, angoisses, etc.), difficultés psychologiques (anorexie mentale, névrose obsessionnelle, énurésie, rigidité, avarice, conformisme, etc.) sont fréquents ensuite.

Accompagner son enfant

Comme pour tout apprentissage, l'imitation joue un rôle important. C'est en vous accompagnant dans la salle de bain ou sur le chemin des toilettes qu'il aura peu à peu envie de faire "comme les grands". Il saura alors vous solliciter de lui-même quand il commencera à se sentir mal à l'aise dans une couche souillée. Il ajoutera quelque mots dans son vocabulaire pour nommer ces besoins ("pipi, popo, caca").

Certains enfants ont peur des toilettes d'adulte, ils craignent d'y tomber, et cette angoisse est renforcée par le bruit du bouillonnement d'eau provoqué par la chasse et l'aspiration de tout ce qui s'y trouve. La "disparition" des excréments dans les toilettes serait parfois un traumatisme psychique important pour l'enfant devant "se séparer d'une partie de lui-même". L'apprentissage peut donc être facilité avec l'achat d'un pot adapté à sa taille. Il en existe de toutes les couleurs et des formes les plus diverses. Montrez-lui et pensez à lui laisser dans un endroit qui lui soit accessible. Il pourra s'asseoir dessus, même habillé, afin de se familiariser.

Quand l'enfant se lancera dans la phase "active", il faudra lui proposer des rendez-vous réguliers. Par exemple après un repas, avant ou après la sieste ou avant d'aller se coucher, mais pas plus de 5 minutes au début.

Il est important d'en parler avec les nourrices ou les assistantes maternelles pour que les efforts soient suivis et que l'enfant ne soit pas perturbé par les différentes façons de faire. A chaque nouveau petit progrès, n'hésitez pas à le féliciter et à l'encourager. Il a besoin de se sentir grandir.